Décrire les objectifs du projet (par exemple, répondre à certaines interrogations scientifiques ou à des besoins scientifiques ou cliniques).
L’étude des adaptations à des conditions extrêmes permet de découvrir des mécanismes fondamentaux impossibles à observer en se confinant aux modèles classiques. Notre approche est d’équiper l’animal sauvage de ‘bio-logger’ de mesure, évoluant librement in natura. Cette approche fondamentale en écophysiologie perdure à long-terme dans le cadre d’un programme de recherche mené au milieu de l’océan Indien, avec le modèle manchot royal (MR), spécialiste de la plongée en apnée et de l’épargne énergétique. Néanmoins, le réchauffement si rapide à ces latitudes australes impacte les MR des colonies étudiées, où leurs proies se concentrent plus loin au large et plus profondément. Une de nos hypothèses est que les MR de grandes tailles seraient plus adaptés à prolonger leur apnée en profondeur, un avantage décisif dans le contexte actuel pour la chasse et leur succès reproducteur. D’où la question (Q1) de l’effet de la taille sur l’efficacité énergétique des plongées ou du voyage en mer, des données maintenant accessible grâce à la mesure de la fréquence cardiaque via l’enregistrement en continu de leur électrocardiogramme. Le sommeil est un besoin essentiel pour l’animal (observé aussi chez les méduses), dont la fonction primaire serait une façon risquée (inconscience, donc risque de prédation) d’épargner l’énergie, avec chez les endothermes une association possible avec la thermorégulation. Rien n’est encore connu de la façon dont les endothermes dorment en haute mer et notre objectif est de tester cette hypothèse chez le manchot royal, aussi bien pendant son jeûne à terre que pendant son long voyage en mer. La question est de découvrir dans un premier temps (Q2) : ‘Comment ces manchots dorment (fréquence-durée-moment-qualité) à terre ou en mer et existe-t-il un lien avec leur thermorégulation ?’ Ceci grâce notamment à l’enregistrement de leur électro-encéphalogramme. Enfin, sachant que les stocks d’oxygène embarqués ont un rôle déterminant dans la capacité d’apnée, on se posera aussi la question (Q3) : Quelles sont les causes de la variabilité des capacités de transport et de stockage de l’oxygène chez le manchot royal ? Ceci grâce à un prélèvement unique de sang et de muscle pectoral. Nous profitons des périodes d’incubation à terre pour capturer-instrumenter sous anesthésie et relâcher dans la colonie ces individus, qui pourront récupérer de la chirurgie avant de partir en mer au retour de leur conjoint.
Quels sont les bénéfices susceptibles de découler de ce projet? Expliquer en quoi le projet pourrait faire progresser les connaissances scientifiques ou quels bénéfices les êtres humains, les animaux ou l’environnement pourraient en tirer à terme. Le cas échéant, distinguer les bénéfices à court terme (pendant la durée du projet) et les bénéfices à long terme (susceptibles d’être obtenus après l’achèvement du projet).
Trouver des applications biomédicales est une des justifications de l’expérimentation animale, surtout si cela concerne des individus d’espèces sensibles, vivants dans des espaces protégées, tels les manchots royaux des îles subantarctiques. C’est quelquefois le cas de nos recherches, avec par ex. la découverte ‘non-intentionnelle’ d’un antibiotique stomacal testé sur l’œil humain. Par ailleurs, envisager la santé humaine dans le paradigme ‘Une seule santé (One Health)’ devient évident et urgent : mieux comprendre les contraintes auxquelles sont confrontées les espèces ou des écosystèmes entiers, afin de réduire ces nuisances liées à l’homme, sera bénéfique pour leur santé, dont celle des humains. D’où le soutien de nos tutelles scientifiques pour nos approches fondamentales ou appliquées, sur le modèle manchot royal. Concernant l’hypothèse d’un lien positif taille/aptitude à l’apnée, via l’épargne énergétique (Q1) ou les pigments respiratoires (Q3), les bénéfices attendus de ces expérimentations sont plutôt dans le domaine de la connaissance fondamentale. Car si ce lien existe, cela ne veut pas dire que les MR vont pouvoir s’adapter assez vite. Il faudrait pour cela vérifier en parallèle l’héritabilité de ces traits et un effet positif sur le succès reproducteur des grands individus. C’est pourquoi des investigations dans le cadre d’un doctorat sont en cours via l’utilisation d’un Data-set de suivi à long-terme sur 30 années consécutives. Par ailleurs, le fait de mesurer la fréquence cardiaque instantanée pour quantifier la dépense d’énergie des manchots intéresse particulièrement un collègue spécialiste de l’arythmie cardiaque chez l’homme. Son objectif est de mieux comprendre ces aspects adaptatifs chez des espèces à locomotion verticale (le MR à terre) ou dans des contextes d’anoxie ou d’asphyxie (le MR en mer). Concernant les questionnements sur le sommeil (Q2), cette approche pourrait nous faire comprendre certains paradoxes de la phase de ‘repos’ de surface pendant la nuit en mer (phases courtes d’échappement de la thermorégulation). Mais surtout nous faisons le pari, avec l’un de nos collaborateurs et spécialiste internationalement reconnu dans ce domaine, qu’étudier cette fonction in natura, surtout dans le contexte si particulier du MR en haute mer, peut nous faire faire un grand pas en avant dans la compréhension des mécanismes ayant façonné cette fonction vitale, encore si imparfaitement étudiée dans sa diversité.