Décrire les objectifs du projet (par exemple, répondre à certaines interrogations scientifiques ou à des besoins scientifiques ou cliniques).
Les suivis à long-termes de populations d’animaux sauvages constituent aujourd’hui une ressource scientifique précieuse pour répondre à de nombreuses questions concernant l’écologie et la biologie évolutive. L’objectif du présent programme de recherche est la perpétuation d’un suivi démographique, phénotypique, génétique, physiologique d’une population de marmotte Alpine (Marmota marmota). La marmotte Alpine est une espèce sociale, à reproduction despotique (seul le couple dominant se reproduit) et hibernante. Ces caractéristiques biologiques en font une espèce modèle originale pour les mammifères et, de manière plus générale, pour les espèces qui vivent en groupes structurés et stables. Nous souhaitons mieux comprendre le rôle de la vie en groupe et de la socialité sur l’écologie des populations et de mettre en évidence la manière dont la variabilité environnementale (par exemple les changements globaux) affecte le rapport coût – bénéfice de la vie en groupe. Nous étudierons également les variations de la sex-ratio des jeunes en réponses aux changements globaux. Cela passe notamment par une quantification de la variabilité inter- et intra-individuelle de la proportion relative de spermatozoïdes avec un chromosome Y versus X.
Quels sont les bénéfices susceptibles de découler de ce projet? Expliquer en quoi le projet pourrait faire progresser les connaissances scientifiques ou quels bénéfices les êtres humains, les animaux ou l’environnement pourraient en tirer à terme. Le cas échéant, distinguer les bénéfices à court terme (pendant la durée du projet) et les bénéfices à long terme (susceptibles d’être obtenus après l’achèvement du projet).
Nous testerons l’hypothèse que les changements climatiques ont des répercussions majeures sur la socialité des individus, qui deviennent en quelque sorte plus égoïstes, en préférant quitter le groupe de naissance que de rester et aider à l’élevage des marmottons frères et sœurs. Les résultats attendus auront des implications pour les autres espèces sociales, y compris l’homme face aux changements globaux. Enfin, déjà fragilisée par le changement climatique, la marmotte Alpine est chassée à l’automne dans certains départements du sud-est de la France. La chasse à la marmotte semble assez marginale, mais les effets négatifs du changement climatique pourraient pousser nos décideurs politiques à en interdire la pratique. Notre projet apportera une meilleure compréhension du rôle des pères dans l’allocation selon les sexes en comparant la proportion de spermatozoïdes avec un chromosome X versus Y. La recherche sur l’allocation selon les sexes s'est concentrée jusqu’ici presque exclusivement sur le rôle de la mère alors que les parents peuvent avoir des intérêts divergents. Quelques études récentes ont montré une proportion déséquilibrée des chromosomes sexuels X et Y dans les échantillons de sperme de bovins domestiques et dans les populations humaines affectées par des polluants, ce qui rend difficile l’extrapolation des résultats à des populations sauvages comme la marmotte alpine. L’importance du rôle des pères reste à démontrer, mais ses multiples implications potentielles pour l’évolution de l’allocation selon les sexes et les conflits parentaux invitent à un surcroît d’attention.
À quelles procédures les animaux seront-ils soumis en règle générale (par exemple, injections, procédures chirurgicales)? Indiquer le nombre et la durée de ces procédures.
L’ensemble de ces prélèvements est réalisé après induction d’une anesthésie générale (~ de10 à 30 minutes): - Prélèvements de tissu cutané, injection d’un transpondeur et pose de marques auriculaires lors de la première capture dans la vie de l’animal (10 minutes) ; - Prélèvements de poils à chaque première capture de l’année (1 minute) ; - Prélèvements sanguins à chaque première capture de l’année (de 1 à 5 minutes) ; - Prélèvement de sperme chez les mâles sexuellement matures à chaque première capture de l’année (de 10 à 20 minutes) ;
Quels sont les effets/effets indésirables prévus sur les animaux, par exemple, douleur, perte de poids, inactivité/mobilité réduite, stress, comportement anormal, et la durée de ces effets?
Les principales sources de nuisance identifiées pour les marmottes sont (i) les risques de blessures superficielles, de traumatologie et le stress thermique causé par la capture (phase d’attente dans le piège puis transfert dans le sac de transport) ; La marmotte étant une espèce thermosensible avec une thermorégulation comportementale marquée (refuge dans le terrier), il existe un risque d’hyperthermie potentiellement fatal lorsqu’un animal reste piégé pendant trop longtemps lors des épisodes de forte chaleur (note : il n’y a aucun arbre sur le site d’étude). (ii) douleur et stress lors des mesures biométriques et lors des prélèvements biologiques ; (iii) le risque de déstructuration sociale par la prise de pouvoir sur un territoire par des rivaux lors de la capture d’un individu dominant. Un changement de dominance par un animal transient ou d’un territoire voisin, change la composition du groupe et induit souvent un infanticide des marmottons.
Quelles espèces et combien d’animaux est-il prévu d’utiliser? Quels sont le degré de gravité des procédures et le nombre d’animaux prévus dans chaque catégorie de gravité (par espèce)?
Espèce
Nombre total
Nombre estimé par degré de gravité
Sans réveil
Légère
Modérée
Sévère
Autres mammifères (other Mammalia)
650
Qu’adviendra-t-il des animaux maintenus en vie à la fin de la procédure?
Espèce
Nombre estimé d’animaux à réutiliser, à replacer dans l’habitat/le système d’élevage ou à proposer à l’adoption
Réutilisé
Replacé dans l’habitat naturel ou le système d’élevage
Proposé à l’adoption
Autres mammifères (other Mammalia)
Justifier le sort prévu des animaux à l’issue de la procédure.
Tous les animaux sont gardés en vie et relâchés dans leur milieu de vie après la procédure à proximité immédiate du terrier où ils ont été capturés.
1. Remplacement
Indiquer quelles sont les alternatives non animales disponibles dans ce domaine et pourquoi elles ne peuvent pas être utilisées aux fins du projet.
Notre programme de recherche sur la marmotte Alpine repose en grande partie sur l’étude des réponses individuelles et populationnelles aux variations des conditions environnementales d’origine diverse (ex : climat, phénologie de la végétation, socialité). Ces réponses sont étudiées aux niveaux comportemental, physiologique et démographique. Notre étude s’inscrit dans la lignée des suivis à long termes en écologie évolutive qui repose sur le suivi le plus long et plus exhaustif des individus au cours de leur vie en milieu naturel. Les populations de marmottes en captivité (par exemple en zoo) ne constituent pas une alternative pertinente à l’utilisation de populations sauvages lorsqu’il s’agit d’étudier le rôle de l’environnement sur la démographie et les processus évolutifs. Il n’existe donc, par essence, aucune méthode substitutive à notre protocole de recherche. Notre protocole a été réfléchi de sorte que toutes les quantités de tissus prélevées soient utilisées pour répondre à nos problématiques de recherche. Toutefois, si certains échantillons s’avéraient non utilisés (en particulier les échantillons de sperme pour lesquels nous ne pouvons pas anticiper de manière précise la quantité que nous allons collecter), les échantillons supplémentaires seront mis à disposition de notre réseau de collaboration et participent ainsi à du “remplacement” pour des projets futurs.
2. Réduction
Expliquer comment le nombre d’animaux prévu pour ce projet a été déterminé. Décrire les mesures prises pour réduire le nombre d’animaux à utiliser et les principes appliqués pour concevoir les études. S’il y a lieu, décrire les pratiques qui seront appliquées tout au long du projet pour limiter le plus possible le nombre d’animaux utilisés sans perdre de vue les objectifs scientifiques. Ces pratiques peuvent notamment consister en études pilotes, modélisation informatique, partage et réutilisation des tissus.
Chaque année, 30 familles de marmottes Alpines sont suivies, correspondant ainsi à environ à 250 individus capturés. Ce nombre de 30 est le nombre minimal permettant d’approximer la distribution réelle de traits quantifiés dans la population par la loi normale et ainsi utiliser les outils statistiques appropriés. D’autre part, étant donnée les forts effets structurant de l’âge dans les paramètres démographiques des espèces à longue durée de vie, la description de la dynamique des populations nécessite des tailles d’échantillon substantielles d’animaux d’âge connu (donc suivis de la naissance à la mort) afin d’estimer les paramètres démographiques (survie, reproduction, dispersion). Le suivi longitudinal des animaux nous permet d’avoir des mesures répétées pour les individus et contribue ainsi à limiter le nombre d’animaux nécessaires pour obtenir des résultats interprétables et fiables.
3. Raffinement
Donner des exemples des mesures spécifiques qui seront prises (par exemple, surveillance accrue, soins postopératoires, gestion de la douleur, entraînement des animaux) pour réduire au minimum les effets sur le bien-être des animaux (les nuisances causées). Décrire les mécanismes permettant d’intégrer de nouvelles techniques de raffinement pendant la durée de vie du projet.
Nous réduisons les risques d’hyperthermie en plaçant des « ombrelles » sur le dessus des cages à pièges qui recouvrent environ la moitié de leur longueur, offrant une zone ombragée pour l’animal le temps qu’un membre de l’équipe arrive sur place. Des bouteilles d’eau sont prévues pour arroser légèrement l’animal pendant le transport quand la température de l’air est 27°C, et une vérification des pièges est faite systématiquement toutes les 30 minutes de 07:00 à 21:30, une plage horaire qui couvre l’activité journalière des marmottes. Le stress lié à la manipulation et à la contention est atténué car les animaux sont anesthésiés avant que les prises de mesures, d’échantillonnage des tissus et le marquage débutent. Les manipulations sous anesthésie sont effectuées dans un local réservé à cet effet par du personnel qualifié et le plus silencieusement possible. La durée totale entre la capture et le relâcher est en moyenne de 2 heures incluant 20 minutes de contention et de manipulation en dehors du sac de capture, mais il existe une forte variabilité individuelle dans le temps de réveil. Un temps de réveil long est risqué pour un dominant car pendant son absence un animal transient ou voisin peut tenter de prendre le contrôle de son territoire en tuant notamment les marmottons. Bien que nous limitions ce risque en plaçant un effaroucheur ou une personne sur le territoire le temps de la manipulation, cela n’est pas optimal en termes de dérangement. Ainsi en 2024, nous prévoyons d’expérimenter un nouveau protocole d’anesthésie dans le but de réduire le temps de réveil des individus et d’induire une analgésie plus puissante. Une analgésie plus puissante est mise en place pour les mâles sexuellement matures afin de limiter les possibles douleurs associées à l’électrostimulation dont la mise en place est prévue en 2024. Les protocoles d’anesthésie et d’électrostimulation seront optimisés en fonction des réponses des marmottes aux protocoles initialement définis. Nous envisageons aussi des protocoles alternatifs, comme la collecte de sperme par pharmo-induction si l’électrostimulation s’avérait trop inconfortable pour les animaux.
Expliquer le choix des espèces et les stades de développement y afférents
La marmotte Alpine (Marmota marmota) est une espèce particulièrement pertinente pour l’étude de la socialité (élevage coopératif, groupes sociaux hiérarchiques et stables), et représente un modèle biologique pour nombre d’espèces de mammifères sociaux. Sa structure sociale est bien décrite, et son comportement de territorialité et sa longévité (jusqu’à 16 ans) facilitent grandement le suivi des compositions de groupe et de leur dynamique temporelle. Ces caractéristiques biologiques permettent donc d’appréhender en détails la façon dont la vie en groupes sociaux affecte les traits d’histoire de vie et comment la socialité contraint les stratégies biodémographiques des espèces. Grâce à ce projet, nous disposons d’un jeu de données biodémographiques conséquent à l’échelle individuelle (30 ans de suivis) ainsi qu’une connaissance de nombreux facteurs environnementaux (météorologie, pathogènes…). Le recours à des populations captives ne permettrait pas de répondre aux objectifs de nos projets. Tous les stades de développement sont concernés par l’étude. La marmotte Alpine étant particulièrement longévive (longévité maximale observée sur le site de 16 ans), il est impératif de prendre en compte la structure d’âge de la population, et donc de connaître l’âge exact des animaux. A notre connaissance, la seule méthode fiable à disposition est de marquer les individus au stade juvénile (marmottons c’est-à-dire les jeunes de l’année), seule classe d’âge pouvant être déterminée à l’année près avec certitude. Ensuite, le statut social des marmottes est une variable capitale structurante les traits d’histoire de vie (conditionnant l’accès à la reproduction, la dispersion, et le taux de mortalité des individus) mais qui changent rapidement au cours d’une saison et d’une année à l’autre – ce n’est pas une variable fixe propre à chacun. Nous devons alors capturer les animaux tout au cours de leur vie pour être en mesure de décrire leur histoire de vie correctement.
Raisons de l’appréciation rétrospective
Prévoit des procédures sévères
Utilise des primates non humains
Explication de l’autre raison de l’appréciation rétrospective