Décrire les objectifs du projet (par exemple, répondre à certaines interrogations scientifiques ou à des besoins scientifiques ou cliniques).
Alors que la peste, causée par la bactérie Yersinia pestis, est une des maladies infectieuses les plus sévères pour l’homme, d’autres Yersinia pathogènes causent seulement une infection intestinale (entéropathogènes : Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica). L’origine de cette différence de virulence n’est pas encore complètement élucidée. Afin de pouvoir lutter le plus efficacement contre ces infections, il est capital de mieux comprendre pourquoi et comment ces bactéries inhibent les processus de contrôle de l’une ou l’autre espèce au sein du genre Yersinia et induisent des dommages systémiques et ou locaux. Il est aussi nécessaire de comprendre l’évolution des espèces au sein des Yersinia ainsi que des lignées au sein des espèces. La virulence est multifactorielle chez les Yersinia. Certains facteurs de virulence ont déjà été identifiés, mais beaucoup restent encore mal connus, voire inconnus. L'objectif principal de ce projet est d'utiliser différentes approches in vitro et in vivo pour identifier ces facteurs, étudier leur mode d'action et mieux comprendre la réponse de l’hôte lors de l’infection. L’étude de l’infection permettra également d’identifier de nouveaux biomarqueurs d’infection à visée diagnostique. Pour cela, des souches mutantes de bactéries générées au laboratoire seront étudiées in vivo. Nous analyserons les effets que ces bactéries exercent chez des rongeurs modèles, les souris de laboratoire, et identifierons et caractériserons les processus précoces (efficaces ou non), mis en place par l'hôte lors de l'infection. Le projet a donc pour objectifs : - Identifier les facteurs de la bactérie impliqués dans les processus pathologiques dans le cas d'une infection causée par une des espèces pathogènes de Yersinia. - Analyser les interactions entre bactéries invasives et souris de laboratoire. - Caractériser les processus et les routes de progression des bactéries post inoculation /délivrance. - Caractériser les lésions tissulaires et cellulaires induites par l’une ou l’autre espèce et de comparer ces lésions en fonction du niveau de leur pathogénicité. - Mettre en évidence les mécanismes de la réponse immunitaire de l'hôte induits ou inhibés. - Identifier les cellules de l’hôte expérimental avec lesquelles l’une ou l’autre espèce bactérienne interagit à différentes périodes post inoculation / délivrance et dans différents tissus. - Identifier des biomarqueurs précoces d’infection à visée diagnostic.
Quels sont les bénéfices susceptibles de découler de ce projet? Expliquer en quoi le projet pourrait faire progresser les connaissances scientifiques ou quels bénéfices les êtres humains, les animaux ou l’environnement pourraient en tirer à terme. Le cas échéant, distinguer les bénéfices à court terme (pendant la durée du projet) et les bénéfices à long terme (susceptibles d’être obtenus après l’achèvement du projet).
Les résultats de cette étude nous aideront à acquérir une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques induits par les espèces invasives au sein du genre Yersinia chez leur hôte, ainsi que de l’évolution entre les différentes espèces et au sein des lignées d’une même espèce. En effet ils devraient permettre de mieux comprendre pourquoi et comment l’hôte peut (ou non) contrôler l’infection, notamment en inhibant les processus de virulence des Yersinia, ainsi que d’identifier de nouveaux biomarqueurs d’infection. A terme, les résultats obtenus permettront de lutter le plus efficacement contre la peste et les autres Yersinioses.
À quelles procédures les animaux seront-ils soumis en règle générale (par exemple, injections, procédures chirurgicales)? Indiquer le nombre et la durée de ces procédures.
Gestes techniques communs à toutes les procédures: Infection par voie sc : une injection unique, durant 1 minute, sans anesthésie Infection par voie id : une injection unique, durant 4 minutes ; sous anesthésie gazeuse Infection par voie orale : une inoculation unique, durant 1 minute, sans anesthésie Infection par ingestion de pain : une fois, durant environ 10 minutes (selon leur appétit), sans anesthésie Infection par instillation intranasale : une séance d’instillation unique, durant 5 minutes ; avec anesthésie par injection intrapéritonéale Geste technique spécifique à la procédure n°3 : Prélèvements de sang dans la semaine de l’infection : prélèvement unique, durant 3 minutes, sans anesthésie. Geste technique spécifique à la procédure n°4 : Imagerie in vivo de Yersinia bioluminescentes : anesthésie gazeuse quotidienne (sauf peste : injection sc), un maximum de 10 fois. Imagerie in vivo de Yersinia fluorescentes : anesthésie gazeuse, unique, sans réveil.
Quels sont les effets/effets indésirables prévus sur les animaux, par exemple, douleur, perte de poids, inactivité/mobilité réduite, stress, comportement anormal, et la durée de ces effets?
Toutes nos expériences incluent des infections de souris par des bactéries. Les nuisances sont donc presque toujours les mêmes, dans l’ordre chronologique : - Infection / inoculation de bactéries : pour toutes les voies d’infection l’animal recevra une injection unique, que ce soit pour de l’anesthésique (intranasale, intradermique) ou directement de la préparation infectieuse (voies sous cutanée ou intraveineuse). L’infection par la méthode de nourissage au pain infecté ou par canulage intragastrique (infection orale) ne nécessite pas d’injection ni d’anesthésie. - - L’infection bactérienne sera fatale pour le groupe témoin recevant la souche sauvage virulente, et aussi quand les mutations testées ne modifient pas la virulence (nous espérons au maximum 50% des cas). Les procédures sont donc classées « sévères ». Les signes cliniques sont ceux des infections bactériennes : fièvre, poil hérissé, prostration, perte de poids. Des points limites sont définis et seront appliqués. Toutefois, ces point limites surviennent souvent trop tard. De notre expérience, même si certains animaux présentent des signes cliniques, il n'est pas rare qu’ils se rétablissent. Nous avons déjà recherché des marqueurs pronostics de l’infection dans les souris infectées par les Yersinia pathogènes, comme la bactériémie, l’hyperthermie, la perte de poids… sans succès (trop de variations inter-individuelles). Nous ne sommes donc actuellement pas en mesure de prédire la mort ou survie d’un animal infecté par l’observation de tels marqueurs. - Prélèvements : en procédure 3 un prélèvement sanguin unique est effectué avant infection (voir procédures).
Quelles espèces et combien d’animaux est-il prévu d’utiliser? Quels sont le degré de gravité des procédures et le nombre d’animaux prévus dans chaque catégorie de gravité (par espèce)?
Espèce
Nombre total
Nombre estimé par degré de gravité
Sans réveil
Légère
Modérée
Sévère
Souris (Mus musculus)
12670
Qu’adviendra-t-il des animaux maintenus en vie à la fin de la procédure?
Espèce
Nombre estimé d’animaux à réutiliser, à replacer dans l’habitat/le système d’élevage ou à proposer à l’adoption
Réutilisé
Replacé dans l’habitat naturel ou le système d’élevage
Proposé à l’adoption
Justifier le sort prévu des animaux à l’issue de la procédure.
Tous les animaux seront mis à mort à la fin de chaque procédure. En effet les animaux ayant été infectés développent une immunité anti-bactérienne qui interviendra dans le déroulement d’une autre infection et en altèrera les résultats de manière incontrôlée. Les animaux ne peuvent donc être pas être réutilisés.
1. Remplacement
Indiquer quelles sont les alternatives non animales disponibles dans ce domaine et pourquoi elles ne peuvent pas être utilisées aux fins du projet.
Une mise au point in vitro ou ex vivo sera réalisée pour les techniques avancées de criblage. Les résultats de criblage dans des conditions ex vivo (sangs de donneurs, cellules, organes sur puce) permettront également d’identifier des facteurs importants pour l’infection. Une étude approfondie de la littérature sera réalisée afin d’identifier les facteurs déjà décrits, les expériences déjà réalisées ainsi que les résultats négatifs ne montrant pas d’effet lors de la mutation d’un facteur particulier. Les données à grande échelle produites par d’autres laboratoire et rassemblées sur des bases de données spécialisées tels que Yersiniomics seront utilisés afin d’évaluer la pertinence des facteurs choisies. Des tests préliminaires in vitro permettront de réduire le nombre de mutants étudiés in vivo : par exemple ceux qui seraient sévèrement affectés dans leur croissance seraient exclus de ce projet. Aussi, l’absence accidentelle de facteurs de virulence (plasmides, éléments chromosomiques mobiles…) peut être évaluée en amont du présent projet et permettra d’écarter les mutants peu intéressants de l’étude. La possibilité de séquencer les génomes des bactéries à moindre coût est un pas important dans ce sens. Toutefois, les infections bactériennes induisent des processus pathologiques complexes impliquant de multiples organes et le système immunitaire dans son ensemble (organes divers, relations entre organes, circulation sanguine et lymphatique, multiples populations cellulaires et mécanismes effecteurs), ce qui fait que le modèle animal est irremplaçable pour une évaluation réaliste de la virulence.
2. Réduction
Expliquer comment le nombre d’animaux prévu pour ce projet a été déterminé. Décrire les mesures prises pour réduire le nombre d’animaux à utiliser et les principes appliqués pour concevoir les études. S’il y a lieu, décrire les pratiques qui seront appliquées tout au long du projet pour limiter le plus possible le nombre d’animaux utilisés sans perdre de vue les objectifs scientifiques. Ces pratiques peuvent notamment consister en études pilotes, modélisation informatique, partage et réutilisation des tissus.
Des expériences pilotes seront réalisées sur un petit nombre d’animaux afin d’évaluer la robustesse des techniques utilisées et des résultats obtenues. Les effets confondants tels que les effets cage, date ou expérimentateur seront pris en compte pour les études avancées et sensibles à l’échelle du génome. Les procédures seront optimisées en étudiant simultanément le plus grand nombre possible de paramètres sur chaque animal, et en regroupant les expérimentations de façon à limiter les groupes d'animaux témoins nécessaires. Les groupes (sauvage vs mutant) seront comparés par des tests statistiques adaptés. Un test sera utilisé pour comparer la survie des groupes (sauvage vs mutant) exposés à la peste. Des modèles linéaires à effets mixtes pourront être utilisés afin de prendre en compte d'éventuels effets techniques liés à la cage et aux répétitions. Le détail des statistiques est décrit dans les procédures. Le nombre d’animaux indiqué a été obtenu par un calcul de puissance statistique en collaboration avec un biostatisticien, et est basée sur le nombre minimum d'animaux permettant d’obtenir des résultats statistiquement robustes et reproductibles.
3. Raffinement
Donner des exemples des mesures spécifiques qui seront prises (par exemple, surveillance accrue, soins postopératoires, gestion de la douleur, entraînement des animaux) pour réduire au minimum les effets sur le bien-être des animaux (les nuisances causées). Décrire les mécanismes permettant d’intégrer de nouvelles techniques de raffinement pendant la durée de vie du projet.
Durant les infections, un suivi quotidien des animaux sera opéré tout au long de l’expérience pour détecter tout changement physique ou comportemental qui précèdent généralement les signes cliniques, tels que : poil ébouriffé, yeux sales, comportement prostré. Les animaux présentant un état pathologique (score de 2 sur la “grille évaluation douleur stress inconfort utilisée) ou stress ou perte de poids supérieure à 20% du poids initial) seront mis à mort. Dès l’apparition des signes cliniques des actions seront mises en place pour limiter la souffrance et la déshydratation : mise à disposition de gel hydrique, réhydratation sous-cutanée. Si des animaux atteignent les points limites définis, ils seront mis à mort.
Expliquer le choix des espèces et les stades de développement y afférents
Les rongeurs (rats, souris, gerbilles etc.) sont des hôtes idéaux pour l'étude de la peste puisqu'ils y sont très sensibles, et sont les principales cibles et réservoirs de la peste dans la nature. La peste se développe chez la souris sous les formes bubonique et pulmonaire avec des cinétiques, signes cliniques et léthalités comparables à celles de la peste humaine. La souris est le modèle le plus utilisé par les laboratoires étudiant la pathogénèse des Yersinia. De même, les souris sont sensibles aux infections par les Yersinia entériques (Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica) et sont des modèles usuels de ces infections. La disponibilité d'un grand panel de souris génétiquement modifiées (principalement des fonds génétiques classiques : BALB/c et C57BL/6) permet de tester un certain nombre de voies ou de mécanismes potentiellement impliqués soit dans la résistance de l'hôte à l'infection, soit au contraire servant de cible au pathogène pour induire des lésions et inhiber les défenses immunitaires de l'hôte. Le système immunitaire murin étant extrêmement proche de celui des humains, il permet des analyses immunologiques et cliniques adéquates. Les souris auront au moins 7 - 14 semaines (âge adulte) afin d’être représentatifs de l’espèce à l’âge adulte, et par souci d’utiliser des animaux comparables tout au long du projet. À l’âge adulte leur système immunitaire est complètement fonctionnel. Cela assure l’homogénéité des sujets, nécessaire à la reproductibilité intra- et inter-expérimentale des résultats. Les infections par Yersinia pathogènes ne sont pas sensibles à l’âge. Ces indications d'âge sont ± 1 semaine selon les disponibilités du fournisseur.
Raisons de l’appréciation rétrospective
Prévoit des procédures sévères
Utilise des primates non humains
Explication de l’autre raison de l’appréciation rétrospective